Le séminaire “Architecture, acteurs locaux et ressources territoriales France-Amérique Latine |Seminario Arquitectura, actores locales y recursos territoriales Francia-América Latina” a eu lieu le 8 novembre sous l’impulsion d’Ivan Mazel (chercheur, CRAterre-AE&CC/ENSAG/UGA).
Ce séminaire a donné lieu à de riches échanges dont voici le bilan.
Bilan du séminaire
Programme
Noelia Monteiro
Projets avec des communautés traditionnelles dans différents écosystèmes brésiliens
Proyectos con comunidades tradicionales en diferentes biomas brasileños
Anaïs Guéguen Perrin
Matérialisation du Nhandereko dans l’habitat guarani au Brésil, ponts décoloniaux
Materialización del Nhandereko en el hábitat guaraní en Brasil, puentes decoloniales
Étienne Randier-Fraile
Les marges de Montevideo (Uruguay), territoires de ressources pour le projet en situation d’incertitudes
Los márgenes de Montevideo (Uruguay), territorios de recursos para el proyecto en situación de incertidumbres
Marie Flécheux
De l’habitat participatif à la régénération écoresponsable de l’habitat social collectif du XXe siècle fondée sur la participation des habitants et l’utilisation de matériaux bio et géosourcés
Del hábitat participativo a la regeneración eco-responsable de la vivienda social colectiva del siglo XX basada en la participación de los habitantes y el uso de materiales naturales
Ivan Mazel
Projets architecturaux de valorisation du bois local et développement territorial dans les Vosges et le Jura (France)
Proyectos arquitectónicos de valorización de la madera local y desarrollo territorial en las Vosges y el Jura (Francia)
Compte-rendu rédigé par Ivan Mazel
Contenu des présentations et des échanges
Présentations des intervenants
Noelia Monteiro a présenté différents projets auxquels elle a participé avec des communautés rurales au Brésil avec son agence Estudio Flume et au sein de l’Escola da Cidade et de ses activités d’extension universitaire, pratiques de collaboration avec la société qui est un des trois piliers avec l’enseignement et la recherche dans les universités latino-américaines. Au sein du groupe de recherche Arquitetura e biosfera, elle a participé à la conception d’une école avec les communautés littorales de l’île de Marajó dans le delta de l’Amazone. Dans le cadre de ses activités de praticiennes, elle a exposé deux projets dans les écosystèmes du littoral et de la forêt atlantique ainsi que dans le sertão, milieu sec du Nordeste du Brésil, où elle a travaillé à la conception et la réalisation de petits bâtiments avec des techniques constructives ingénieuses, économisant les matériaux, et employant au maximum les ressources locales. Afin de répondre aux besoins des communautés, un travail participatif sur les usages a été réalisé qui a débouché sur le dessin de dispositifs architecturaux adaptés à la transformation des fruits et à la pratique de la pêche.
Anaïs Guéguen Perrin a exposé son travail de thèses sur les formes d’habitat contre-hégémoniques : l’habitat guarani au Brésil et l’habitat participatif en France, mais cette présentation était centrée sur le terrain d’étude brésilien. Elle interroge dans quelle mesure ces pratiques alternatives d’habitat peuvent minimiser l’impact de nos modes de vie sur le système Terre ? Elle montre des pratiques de transformation et d’amélioration de l’habitat guarani dans le respect de leur culture architecturale et écologique. Les pratiques de résistance et de réappropriation du sol sont également mobilisées pour montrer le renouvellement de leur culture au contact des cultures urbaines et les pratiques de communications contemporaines.
Étienne Randier-Fraile a partagé les premières explorations de son travail de thèse croisant la question de la marginalité, autant en terme géographique qu’au niveau social, avec la situation d’incertitude liée au changement climatique. À travers deux exemples, Bañado de oro et Palya del cerro, il a montré la prégnance des enjeux pour certaines périphéries de la capitale uruguayenne Montevideo. Quelles sont les adaptations des pratiques architecturales informelles face à l’incertitude climatique ? L’objectif est mieux comprendre ces adaptations pour nourrir la culture architecturale dans l’incertitude contemporaine, et ainsi nourrir la pensée de la conception de l’habitat et du territoire, notamment pour les architectes.
Marie Flécheux a évoqué la généalogie de son intérêt pour l’habitat participatif depuis son mémoire de master sur leurs espaces communs, son mémoire de DSA Architecture de terre sur les pratiques d’autoconstruction et d’autofinition dans ces habitats, et enfin, son travail de thèse sur la régénération de l’habitat collectif social du XXe siècle inspirée des pratiques de l’habitat participatif. Les formes de collaboration et de gouvernance entre acteurs, les manières d’impliquer les habitants dans la construction ont été développées à partir de l’exposition de différents cas d’étude en Suisse et en France. Preuves a été donnés que ces formes alternatives d’habitat sont des expériences intéressantes pour penser l’habitat contemporain.
Ivan Mazel a abordé la question du développement territorial et de la valorisation du bois local dans les territoires des Vosges et Jura ayant une culture traditionnelle de la forêt ainsi que de la transformation et construction en bois. Premièrement, la stratégie de développement au travers d’édifices exemplaires a été exposée ainsi que ses limites étant notamment la faible transformation globale des filières forêt-bois. Deuxièmement, l’hypothèse d’un lien entre la complexité des techniques constructives et la grande distance d’approvisionnement du bois a été montrée à travers un certain nombre de cas d’étude, soulignant de la sorte le rôle des concepteurs, architectes, mais aussi ingénieur pour favoriser les ressources locales. Ces constats interrogent ainsi sur les conditions socioculturelles et socioéconomiques de la production architecturale en général, et de la construction bois en particulier, et leurs possibles évolutions.
Discussions et débats
Différentes thématiques ont émergé du débat. Tout d’abord, la question de l’extractivisme, en tant que pratiques d’exploitation des ressources naturelles de l’environnement, a été abordée autant en lien avec les communautés rurales brésiliennes ou la production architecturale en France. La question soulevée était : dans quelle mesure est-il possible de mettre en place une extractivisme mesurée des matières produites par les plantes ou le sol pour faire attention à leur renouvellement et leur non-épuisement ? Au Brésil, les communautés rurales, parfois quilombos (Noelia Monteiro) ou guaranis (Anaïs Guéguen Perrin) auraient besoin d’une étendue territoriale élevée pour subvenir à la totalité de leurs besoins, mais leurs pratiques de culture extensive et dans une logique d’agroforesterie permettent une cohabitation avec le reste du vivant. Ensuite, le parallèle a été fait entre le mouvement de l’habitat participatif en France et de l’habitat coopératif en Uruguay, pays d’Amérique Latine où ce type d’habitat est le plus développé, sujet abordé dans la publication Cooperativas de vivienda en Uruguay : medio siglo de experiencias. Quels transferts culturels au sujet des alternatives dans l’habitat ont-ils eu lieu et existe-t-il entre France et Amérique Latine ? Enfin, nous avons évoqué les évolutions de la culture architecturale, notamment constructive et urbanistique, face aux incertitudes écologiques, liée notamment au changement des contextes sociaux et climatiques (Étienne Randier-Fraile). Comment conçoit-on une architecture pérenne en lien avec le contexte si ce contexte évolue fortement ? L’articulation dans la culture guarani entre les dimensions symboliques, architecturales et environnementales évolue au contact des pratiques urbaines et liées au numérique (Anaïs Guéguen Perrin). Parallèlement, la culture de la construction bois a fortement évolué au travers de la mécanisation et de l’automatisation, questionnant par-là les types de modernisation, les formes de travail souhaitables et les échelles territoriales de développement de cette filière (Ivan Mazel). Les méthodes d’exploration de la forêt sont également questionnées au Brésil comme le montrent les travaux de l’Institut de recherche Imazon (Noelia Monteiro). Quelles sont alors les logiques sociales et les techniques constructives de ces architectures ? Les architectures informelles s’adaptent aux évolutions du régime climatique et peuvent dans certaines situations après avoir été érigées par les classes populaires, et puis devenir un habitat de loisir (Étienne Randier-Fraile). En France et en Suisse, l’habitat participatif et coopératif est un exemple significatif de production architecturale fruit d’une collaboration entre architecte et habitants, avec parfois le soutien des pouvoirs publics, mais dont la forme dépend fortement du cadre législatif et incitatif des pouvoirs publics pour les formes alternatives d’habitat (Marie Flécheux).
Participants
18 personnes (10 en présentiel et 8 en distanciel)